Ne plus subir les mathématiques, les faire vivre selon les principes de la recherche : tel est l’objectif du projet MATh.en.JEANS, acronyme de « Méthode d’Apprentissage des Théories mathématiques en Jumelant des Établissements pour une Approche Nouvelle du Savoir » (MeJ). Un atelier MeJ regroupant douze élèves volontaires, six filles et six garçons des classes de troisième, première et terminale, a été mis en place cette année encore au lycée Jean Giono.
De Gênes à Turin, petite histoire du jean
Au XVIe siècle, la république indépendante de Gênes est à son apogée. Ses tissus sont réputés : parmi eux, une toile de laine et de lin sert à fabriquer des voiles pour les navires, des bâches, mais aussi des pantalons solides pour les marins. Importée dans le Nouveau Monde, cette toile de Gênes s’anglicise et, par phonétique, devient le « jeans ». Au milieu du XIXe siècle, ce sont des tentes faites de ce tissu qu’un certain Lévi Strauss, immigré allemand de 24 ans, tentera de vendre aux chercheurs d’or des mines de Californie…
Quelques cinquantaines d’années plus tard, c’est armés d’une paire de jeans que nos douze chercheurs des temps modernes franchissent la porte de la salle 23 du Lycée français Jean Giono de Turin. Derrière eux s’engouffrent Vivien Douine, professeur de mathématiques responsable du projet et Guillaume Kon Kam King, chercheur français au Collegio Carlo Alberto de Moncalieri. La porte se referme. Mais que cherchent-ils ?
De Turin au congrès MEJ de Berlin, des chercheurs en quête de réponses
Thomas, Jacopo, Piero, Giuditta, Maria et Anna pour commencer, s’intéressent à l’expansion de nos villes. Partant de l’observation des pointes très ordonnées de la forteresse de Palmanova, commune italienne située dans la province d’Udine, ils se demandent comment les motifs fractals interviennent dans la constitution de leur contour et dans l’organisation de leur surface. Dans les algorithmes qu’ils programment pour créer des modèles, ils décident de faire intervenir une composante aléatoire et découvrent stupéfaits, que l’introduction du chaos permet de s’approcher de la réalité.
Francesco, Celeste et Margaux étudient de leur côté les prouesses d’un être étrange, unicellulaire, jaune et visqueux : le blob. Sidérés par sa capacité à optimiser ses déplacements pour récolter de la nourriture, ils décident de créer un modèle mathématique permettant de prévoir à l’avance comment il va coloniser l’espace. Ils seront bientôt en mesure d’informer la population sur les risques liés à sa prolifération.
Julien, Mathurin et Greta, téméraires eux aussi, souhaitent tout savoir sur les tâches qui apparaissent sur le pelage ou le corps des animaux. Et pas n’importe lesquels ! Du léopard au crocodile, ils mettent en équation un processus complexe expliquant la formation de ces motifs d’abord sur support fixe puis sur support dilatant.
Dans cette aventure, Vivien et Guillaume ont accompagné et encadré six mois durant nos apprentis chercheurs avec un seul objectif en tête : permettre aux douze élèves d’exposer les résultats ou du moins l’état de leurs recherches face à leurs pairs lors du 29e congrès international MEJ 2018 de Berlin. La date approche. Les trois groupes mettent un point final à leurs présentations. Nous bouclons nos valises et montons dans l’avion. La suite vous est proposée en images et en sons…
Nous tenons à remercier chaleureusement Julien Duthil et Jean-Luc Pérotin du Lycée français de Berlin, organisateurs émérites de cette 29e édition du congrès. Nous espérons également que ce texte et ce petit film fera parmi les jeunes qui les liront des émules, les incitant à laisser dans la buanderie shorts, salopettes, pantalons à pinces ou à revers et à passer dès l’année prochaine, toujours plus nombreux, la porte grande ouverte de la salle 23 pour faire ensemble, des maths, en jeans…