La veille des vacances, jeudi 25 juin, une cérémonie de remise des diplômes du baccalauréat s’est déroulée dans la cour du Lycée français de Turin. Un établissement qui, avec 100 % de réussite, confirme une fois encore sa réputation d’excellence. Les familles, les enseignants, les membres de la vie scolaire et de la direction du lycée ont entouré ces élèves qui prennent leur envol après une scolarité presque entièrement passée sur les bancs du Lycée français. Retour sur une promotion pas comme les autres.
Le papier est jauni. En capitale d’imprimerie, on peut lire : « Evaluations Fin de Maternelle Poussins ». Sur une page recto verso, le document fait le point en cinq paragraphes sur les compétences travaillées et acquises par de très jeunes enfants après une année passée dans cette antichambre de l’école maternelle. On peut lire par exemple, dans la rubrique « Adaptation » que l’élève R. « quitte son papa sans pleurer » tandis que l’élève S. « quitte son père et sa mère sans difficultés ». Dans la rubrique « Initiation au monde de l’écrit », nous apprenons que l’élève R. « reconnaît son prénom parmi cinq prénoms » tandis que l’élève S. « reconnaît son prénom parmi six prénoms ». Interdiction aux esprits trop cartésiens de dire qu’à la fin de cette année scolaire 1999/2000 passée sur les bancs de l’école française, l’élève S. faisait mieux que son camarade R. Ces deux bambins avaient encore quinze longues années devant eux pour faire leurs preuves, dans une langue qui n’était pas celle de leur maman et dans un système scolaire qui n’était pas celui de leur pays de naissance. Leurs parents avaient en effet fait le choix courageux et ambitieux d’une inscription dès deux ans et quelques mois à l’école française Jean Giono de Turin…
100 % de réussite
Quinze ans plus tard, dans le bureau de M. le proviseur, l’imprimante crépite et cinq feuilles sortent. En capitale d’imprimerie, on peut lire : « Baccalauréat Général, Session de juin 2015, Résultats du premier groupe d’épreuves, Liste des candidats admis ». Sur chaque feuille trois colonnes : une pour le nom, une pour le prénom, une troisième pour la mention. Sur chaque feuille de nombreuses lignes, chaque ligne correspondant à un candidat du centre d’examen d’Italie. Les rôles s’inversent : serons-nous capable, à notre tour, de trouver treize prénoms parmi plus de cent ? Pour cela il faut s’organiser. Le proviseur s’empare d’un feutre fluo, de mon côté je scrute les prénoms sur la liste… Premier coup de stabilo : L. est admis. Soupirs et premier soulagement. Deuxième coup de stabilo : S.obtient la mention Très Bien. Sourires et joie non dissimulée. Troisième coup de stabilo : C. obtient la mention Bien. Fierté d’avoir porté cette artiste confirmée vers une si belle réussite scolaire. Nous continuons la lecture. E. et M. obtiennent la mention Très Bien. Logique et amplement mérité. A. décroche une mention Bien. Inattendue certes, mais en accord avec ses capacités. R. et F.obtiennent une mention Assez Bien. Deux très beaux résultats. Brève pause et rapide synthèse : les huit élèves de S sont reçus : trois mentions TB, deux mentions B, deux mentions AB. Belle satisfaction pour cette série. Nous reprenons la lecture, à la recherche des quatre élèves de la série ES… Et ils y sont tous : R., A. et A. avec la mention Bien, M. avec la mention Très Bien. Fantastique. Il n’en reste qu’une, G. réorientée à la fin du cycle terminal en série L. Son nom est sur la liste. Elle obtient elle aussi une mention. C’est la mention Bien. Magnifique ! Les doutes sur la pertinence de cette réorientation et les difficultés logistiques de sa mise en œuvre sont en un quart de seconde balayés pour laisser place à une certitude : c’était le seul et c’était le bon choix pour G. Nous respirons. Le compte est bon : treize inscrits, treize reçus, 100% de réussite cette année encore…
Heureux qui comme Ulysse…
Le lendemain, R. et S. se retrouvent dans la cour de récréation du Lycée français Jean Giono de Turin. Entre leurs mains, le fac-similé du diplôme du Baccalauréat à peine remis par M. le proviseur. Entre leurs mains également, l’attestation de nouvel adhérent remis par le Président de l’association des anciens élèves. Dans les mains de S. seulement, le fac-similé d’un chèque de 150 euros, bourse accordée par l’ADAEL aux majors de chaque série de cette promotion. Là où les esprits trop cartésiens s’arrêteraient pour dire que ceci était prévisible au vu du différentiel diagnostiqué quinze ans plus tôt en Maternelle Poussins, un autre esprit plus cultivé et plus sage prend nos treize élèves par la main et leur montre le cap : Ithaque. Les mots du poète grec Costantino Kavafis, repris par la voix rassurante de Francesco Forlani professeur de philosophie, rebondissent sur les murs du Lycée et sonnent juste, à ce moment précis de la soirée. Ils donnent à nos treize bacheliers une clef de lecture suffisante pour les aider à organiser le bilan de quinze longues années passées entre les murs de notre école. Ils offrent également à ces treize « ex » élèves de terminale la clef de lecture nécessaire pour affronter, sereins et confiants, les quinze années suivantes au cours desquelles ils vont découvrir la liberté… Bon vent !